– par Matthieu LUCAS –
La restitution d’un chant antique de l’épitaphe de Seikilos par les classes de CE1-CM1-CM2 de Grandpuits-Bailly-Carrois et Vieux-Champagne, situé dans la Communauté de Communes de la Brie Nangissienne.
L’atelier
L’atelier a pour objectif de faire découvrir la musique de l’antiquité à travers deux visions, celle de l’archéologue et celle du musicien.
Plusieurs questions se posent :
Quels étaient les instruments ?
Quelles en étaient les sonorités ?
Écrivait-on la musique comme aujourd’hui ?
Comment est-il possible de l’appréhender par l’archéologie ?
Un musicien d’aujourd’hui peut-il jouer et rejouer la musique antique ?
Pendant six séances, les élèves de trois classes sont partis à la découverte de cet élément éphémère qu’est le son.
L’introduction sur les instruments
La création pour le plaisir, qui nous paraît aujourd’hui premier, ne regroupe que peu d’instruments, comme le sifflet en forme d’animal d’Hirsova de 4500 avant J.-C., mais surtout le barbiton. Cet instrument a été créé au Ve siècle pour les chants de banquets, on l’a même associé au dieu du vin et des plaisirs : Dionysos. Le plaisir de jouer n’est souvent que second après les motifs de créations d’instruments.
La guerre est aussi synonyme d’évolution dans l’humanité, les instruments y sont aussi associés. Les Romains ont utilisé les instruments comme éléments de stratégies au VIe siècle avant J.-C. Les tubas donnaient l’information pour passer à l’assaut et le cornu servait pour guider les troupes dans les actions à suivre. Chaque son était codifié afin que seules les forces romaines puissent connaître leur signification.

Le tuba romain

La Cornu romaine
Les sons
Les sons produits par les instruments ont inspiré un sentiment de protection aux populations, qui les utilisaient. La peur de force divine ou de force naturelle a permis la création du sistre, similaire au hochet actuel, pour simuler le froissement du papyrus ou de la pluie ; le rhombe en os ou en bois à faire vrombir ; ou encore les tambours africains. Ces derniers au Ve millénaire avant J.-C. rythment les danses et rites de protection contre les mauvais esprits.
Le son est un élément qui disparait. Il n’est jamais possible de trouver une trace archéologique. On ne peut que l’imaginer à partir des instruments retrouvés ou restitués.
Une première partie de la séance a été consacrée à la réflexion/discussion au sujet du son que pouvait faire les instruments antiques.
La notation de la musique
Les connaissances musicales deviennent de plus en plus lacunaires à mesure que l’on remonte dans le temps. La notation de la musique évolue ainsi au cours des siècles.
La notation tel que l’on entend aujourd’hui apparaît au VIIIe siècle après J.-C. avec le chant Grégorien qui pousse à la notation. Durant le Moyen-Âge, on utilise les neumes, des signes constitués d’un ensemble de points ou d’accents, disposés au-dessus du texte à chanter et qui servent surtout d’aide-mémoire. C’est à partir du XIe siècle que la notation évolue pour se transformer en ligne tels qu’on le connait mais sans les barres ou les notes. Le XVIIe et le XVIIIe siècle apportent l’ordre qu’il manquait dans la notation afin d’obtenir celle d’aujourd’hui.
La création d’un instrument
La flûte de Pan est un instrument de musique à vent composé d’un ensemble de tuyaux. Les chasseurs préhistoriques l‘avait fait à partir des os creux. Plus tard, le matériau évolue avec l’utilisation de bambou, de la canne à sucre ou encore du carton. Le nom “Pan” a été donné à la flûte du dieu éponyme Pan, un satyre qui était amoureux de Syrinx, la nymphe qui se transforma en roseaux.
La restitution des élèves
Lors de la première séance les élève des trois classes confondues ont été enthousiaste après la présentation du programme. Après un moment d’échange autour de la connaissance des instruments de musiques anciens, les élèves ont été invités à réaliser par binôme une fiche instrument. A partir d’informations et d’illustrations, les groupes ont composés les affiches, souvent hautes en couleur, qui s’imbriquent les unes avec les autres afin de réaliser une frise chronologique.

La seconde séance est menée en grande partie par Stéphane RULLIERE et ses instruments de musiques. Tout d’abord une trompette de cavalerie qui fit résonner la classe et surement celles d’à côté. Ensuite un Sarangi, une vièle à manche courte. C’est le plus important des instruments à archet de l’Inde du Nord, une sonorité proche du violon et une acoustique des plus singulières. Enfin vient le violon avec lequel on termine la séance.
Plusieurs accords sont faits avant de commencer la première préparation de l’épitaphe de Seikilos. Les enfants avaient un peu de mal au début mais en quelques reprises, les voix s’unifièrent un peu et on entendait déjà une harmonisation musicale. En plus la musique rentre plutôt bien dans la tête, l’effet escompté est bien présent.
Après deux semaines de vacances, nous voici arrivé à la troisième séance. Les élèves sont toujours en joie de nous recevoir. Après quelques rappels sur l’histoire, Stéphane entame la notation de la musique et de son évolution dans l’histoire. Une partie un peu plus complexe sur la musique. Quelques questions puis vient le moment de chanter en chœur accompagné du violon pour plusieurs répétitions. Grâce à une retranscription phonétique, les élèves commencent à chanter en grecque ancien ce qui donne plus de texture à la musique.
Nous voici arrivé à notre première séance de création autour de la flûte de Pan. Après des explications autour de la flûtes et de comment la réaliser. Il faut ainsi marquer la taille des pailles en carton en fonction de la règle des notes, les couper au bon endroit, coller entre elles les pailles puis refermer le bout afin d’obtenir sa note. Les élèves se lancent donc dans la création des flûtes. De manière générale, les enfants arrivent assez bien à marquer et couper les pailles, certains autres ont plus de mal mais cela reste dans la bonne humeur !
Pour les trois classes, certaines flûtes sonnaient déjà, tout comme la fin de séance. Ce qui permet pour une prochaine séance autour de la décoration et de son utilisation.
Nous voici à la deuxième séance autour de la création de la flûte de Pan. Cette deuxième séance démarre avec un entrainement sur l’épitaphe de Seikilos. Un entrainement qui se déroule dans de bonnes conditions et les enfants qui chantent à cœur joie.
Après cela, on retourne en classe afin de continuer les flutes. Certaines doivent encore être fermées et d’autres commencent déjà à être décorées. Après quelques temps, certains élèves arrivent déjà à jouer des notes sur cet instrument assez compliquer à prendre en main ! Ce qui crée l’extase de leurs camarades. La fin de séance arrive assez vite quand on décore des flûtes, ainsi on retrouvera les élèves pour une dernière séance d’expérimentation avant la restitution du 18 juin 2023, lors des Journées Européennes de l’Archéologie.
Le rendu finale sur le théâtre gallo-romain de Châteaubleau
Après l’arrivée des élèves à Châteaubleau, on se réunit à 13 h pour commencer les répétitions sur le terrain de foot. Durant 1 h 30 les élèves entraînent leurs voix, s’entraînent sur l’épitaphe, se détendent et répètent pour l’heure fatidique de 15 h.
Il est 15 h, les élèves s’avancent vers la scène et le public est tout autour dans l’orchestra. Stéphane commence au violon puis grâce à la cheffe d’orchestre, les élèves commencent à chanter en cœur. L’ambiance est bonne ! On se croirait au IIIe siècle après J.-C. Le théâtre n’a pas entendu chanter depuis des siècles, on ressent une sorte de magie à ce moment-là.
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